Percussions.org

[François Kokelaere]

Voilà un projet comme nous les aimons. Un vrai projet qui a un sens et qui est porté par des gens de bons sens. Ah, ces gens du Nord, ils n'ont pas de soleil au-dessus d'eux mais ils l'ont dans le coeur et dans la tête. Voilà comment ça c'est passé puisqu'on se dit tout ou presque tout sur le site de Wofa…

Un Mai 99 lors de la première Biennale de percussions à Conakry nous voyons débouler deux asticots Benoît Van Parys de l'ARA et Antoine Bailloeul, service culturel de la région Nord-Pas de Calais. Très sympas, discrets mais observateurs. Chaleureux en diable et forts d'une expérience redoutable de la chose culturelle. Premier contact, ponctuel et bref mais intense. Il y a des mecs qui n'ont pas besoin de raconter leur vie pour que l'on sache immédiatement qu'elle est bien remplie... Quelques mois plus tard, ils m'invitent à leur festival à Roubaix au mois d'Août « Nos quartiers d'été » (moi, c'est le gars François, pour ceux qui n'aurait pas compris), une intention élégante à laquelle nous, pauvres artistes soupe au lait nous sommes toujours très sensibles. Deuxième contact, super... J' y retrouve un certain Genero Bruno, un autre gars haut en couleur. Et puis on parle de faire une création dans le Nord avec des artistes du cru. Ils me recontactent avec un autre phénomène qui est venu se greffer à l'affaire un certain Patrick Plunier, un bon celui-là aussi, qui a bourlingué et à qui on ne la fait pas. Un petit gars comme on les aime, pas fier et qui a pas été oublié par la distribution des prix. Bon d'accord, on fait une création mais quelle genre de création. « Ah, carte blanche, c'est toi qui voit, tu proposes et on voit ». Hum, hum, les sacripants, me voilà dans de beaux draps. D'accord, on fait une création mais il faut qu'elle ait un sens et que ce soit une vraie rencontre. Pas un de ces collages bidons sous prétexte de métissage à tous prix: une vraie rencontre avec de l'artistique, une prise de risque, de la sueur, de la matière grise, des coups de gueules, des larmes, des cris, des embrassades, des remises en question, des réflexions existentielles, de l'amitié, de la chaleur humaine. Ni une ni deux mes lascars, si vous voulez de la créa, on va vous en faire. Vous trouvez le pendant de Wofa dans la région Nord c'est à dire sept batteurs et trois danseurs-danseuses, on emmène tout ce joli monde en Guinée pendant un mois (avril-mai 2002), on bosse comme des oufs en dehors de Conakry pour avoir la paix avec les vingt personnes, en fin de séjour on joue la dite créa dans une salle à Conakry et emballé c'est pesé. En juillet 2002, c'est Fawo qui vient en région Nord.

On répète un peu pour se remettre l'histoire dans les guiboles et la jouer dans des lieux décentralisés. Ca l'fait'y pas ça mon gars, hein! Ah, y veulent de la rencontre et bien on va en faire et d'la vraie. Ca c'est un projet génial. Les français vont venir en Guinée, sur le terrain et ils vont voir par eux-mêmes dans quelles conditions souvent paradoxales nous travaillons dans la petit permanence de Gbessia-port, derrière l'aéroport de Conakry, sous 40° à l'ombre dans une salle obscure et mal ventilée, les pieds sur du ciment, au fin fond d'un quartier où les blancs n'auraient même pas idée d'aller... Vous imaginez comment les gens vont se rencontrer autrement, sur un autre terrain. Des liens vont se tisser, des amitiés.

Toujours est-il que notre projet prend forme et ces gens du Nord y savent y faire. Mai 2001, profitant de la venue en France de Wofa, ils nous invitent à jouer à Lille au Grand Bleu devant un public d'invité et de personnes concernés par le projet. Nouvelle claque lors de la rencontre avec les membres du « Réseau ». Un réseau de gens solidaires, ayant une même vision du travail à effectuer sur le terrain pour que les choses avancent, pour que les gens apprennent à vivre ensemble. Un déferlement d'intelligence au service d'une cause commune: la convivialité, la citoyenneté et plein de mots comme ça qui en disent long sur nos difficulté à vivre ensemble...

Comme nous avions plusieurs jours off avant que le groupe ne reparte en tournée aux USA, nous en avons profité pour rencontrer les futurs dix élus intervenants du projet et répéter un peu. Avec des gens motivés et compétents les chose sont toujours très simples. Ils nous trouvent une salle et au boulot. Super... J'ai piqué ma crise quand les escrocs de Wofa ont accompagné un stage de danse en mélangeant trois rythmes: Yokui, danse sinté et Guiné Faré. Fatouabou n'était pas là car il avait donné juste avant le cours de percussion. Arrivés à l'hôtel, tout le monde convoqué sur le pont. « Qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Vous mélangez tout les rythmes mais au fond, est-ce que vous connaissez la différence entre ces trois rythmes ? C'est quand même invraisemblable, vous avez parmi vous le plus grand joueur de djembé Soussou (Fatouabou, faut suivre), celui qui connait tous ces rythmes et vous ne lui avez jamais demandé la différence ? Mais est-ce que cela vous intéresse au moins ? » Chaud devant, ça faisait pas le malin. Fatouabou, impérial comme a son habitude: « Je te l'ai dit qu'ils ne veulent pas que je leur montre des arrangements, ils sont trop gonflés » Quoi, deuxième gueulantes. Bon et bien puisque c'est comme ça, demain répétitions. Comme les jeunes du projet seront là, on va travailler un rythme (Yokui) et Fatouabou vous montrera la polyrythmie exacte ». Fin de la discussion. Fâché le « Foté gembé »

Le lendemain ça rasait les murs, le petit Soussou de base faisait moins le malin et Fatouabou dans ses oeuvres, égal à lui même, passionné, fort de tant d'années de bourlingue dans la djembéfolie guinéenne nous a mis en place une tournerie, mon cher... Ca c'est de la pulse... Emporté par son élan le voilà qui montre un pas au filles, éclatées par la situation (Abou a été un grand danseur au ballet Djoliba) et nous montons un petit bout de pièce de quelques minutes que nous gardons au chaud pour un prochain spectacle. Whaou, ça fait du bien de bosser avec le chinois de Sandervalia (Abou)...

Ca c'est l'effet « région Nord ». Dans un tel environnement, avec un accueil pareil, les artistes se transcendent. C'est vérifié, breveté... Allez rendez-vous est pris pour le mois d'Août où je reviendrai avec mon compère Abou (vous savez quand même qu'on a monté les Percussions de Guinée ensemble en 87 et plein d'autres projets, les Junior, Wandel, etc... 14 ans qu'on bourlingue ensemble ça crée des liens...). Abou fera un cours de percussions de la Basse-Côte et moi des ateliers de créations, des rencontres, etc... Pour continuer à alimenter un projet qui décidément est rondement mené.

François Kokelaere