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Note d'intention de la direction artistique pour Wofa !

 
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 09 Jan 2002 19:29    Sujet du message: Note d'intention de la direction artistique pour Wofa ! Répondre en citant

Le concept artistique de Wofa ! s'inscrit dans:

- l'histoire très particulière du ballet guinéen initiée par Fodéba Keïta et ses ballets africains dans les années cinquante

- son ancrage dans les différentes traditions multi-ethniques de la Guinée et en particulier de la Basse-Côte

- la réalité technique du "théâtre à l'italienne", de cette boîte noire qui a ses règles et ses codes spécifiques

- le contexte du marché international

La problématique artistique n'est pas la forme que prend son discours mais bien son contenu et ce qu'il véhicule. "L'artiste, le créateur, le concepteur artistique, ont-ils quelque chose à dire". Telle est la question !

C'est pourquoi nous avons choisi, à travers le cadre étroit d'un spectacle catalogué "tout public", accessible à tous et par le biais d'un propos minimaliste, de faire passer des sensations, douces ou fortes, simples ou complexes, intimes ou brillantes, qui parlent directement aux sens et au coeur. Pas d'effets faciles, pas de spectaculaire gratuit, pas de performance athlétique inutile, pas d'auto-centrisme exacerbé. Une structure scénographique solide mais qui permet de grands espaces de liberté et des moments d'improvisation.

Une cohérence du déroulement du spectacle avec des pièces structurées mais vivantes où la créativité personnelle est toujours présente, une dramaturgie sans théâtre et sans histoire, une succession de tableaux, parti-pris scénographique, qui s'imbriquent les uns dans les autres avec une évidence qui permet au spectateur de ne jamais déconnecter du voyage, avec une certaine façon de gérer les pulsations en mouvement ou le mouvement des pulsations qui attrapent son attention sans jamais la lâcher.

Wofa ! ne dit pas tout. Il suggère plutôt qu'il ne montre, il ne dévoile pas, il propose mais c'est au spectateur de faire le reste du chemin.

L'émotion ressentie lors d'un spectacle du groupe en condition scénique dans un théâtre, ne relève pas de la sensiblerie mais bien de quelque chose de très personnel qui appartient à chaque participant. Le spectateur devient une véritable caisse de résonance qui amplifie et renvoie les vibrations générées par les artistes. Il suffit de "se laisser faire" et c'est le voyage assuré ! A chacun d'écrire son propre scénario, son propre rêve en fonction de son imaginaire.

Il est important de rappeler ces quelques postulats de base afin de mieux situer le groupe dans sa réalité contextuelle.

Wofa ! est un groupe de percussions et de danse qui évolue dans un style que l'on pourrait définir de "néo traditionnel", avec toutes les guillemets possibles, même si sa démarche est bien différente des groupes étiquetés sous ce label et qu'elle se positionne le plus souvent en rupture avec le genre, mais il ne faudrait pas pour autant commettre l'erreur d'opposer ce genre au ballet contemporain africain qui émerge depuis peu. Les deux s'inscrivent dans l'histoire de la danse en Afrique, des danses d'Afrique, des danses africaines et de leur mutation. Les clivages de genre et d'étiquettes sont toujours faits au détriment de l'histoire et ne servent qu'à ériger des systèmes de valeur qui vont le plus souvent à l'encontre du travail des artistes.

La perception du public

En Afrique

Avec plus de cinquante ans d'existence, le ballet néo-traditionnel adapté à la scène et à son rapport frontal avec le public dispose d'un réel ancrage en Afrique. Sa popularité n'est pas le fruit du hasard et correspond bien à une attente du public africain.

Il est trop tôt pour dire comment le public africain réagira au ballet contemporain mais la période de découverte et d'adaptation sera probablement très courte car cette esthétique nouvelle pour un public africain moyen trouve suffisamment son ancrage dans la gestuelle et l'imaginaire traditionnel pour devenir très rapidement accessible.

En Occident

Il existe encore aujourd'hui une très forte demande pour le ballet néo-traditionnel en Occident qui n'est pas sans rapport avec le succès grandissant du tambour djembé. Les problèmes que connaissent les grands ballets sont dus essentiellement aux coût de production énormes du fait du nombre d'artistes (entre 30 et 40) et à l'esthétique suranné qu'ils véhiculent qui correspondait à l'image de l'Afrique qu'avaient les occidentaux dans les années 60-70.

Le ballet contemporain africain connaît quant à lui, un énorme succès dû, d'une part, à la synthèse esthétique africaine-européenne dans laquelle les occidentaux retrouvent parfaitement leurs codes de lecture et d'autre part, à la valeur artistique intrinsèque réelle du propos des chorégraphes
africains. Les deux genres, styles, courants, s'inscrivent dans une histoire clairement identifiable. Ils sont le résultat de rencontres, de mutations et de transformations.

Les problèmes de limites intrinsèques des deux genres

- Le ballet néo-traditionnel est né en Afrique de la rencontre de danseurs africains devenus chorégraphes et de scénographes étrangers (ex-URSS, européens, américains)

- Le ballet contemporain africain est né en Europe de la rencontre de danseurs africains devenus chorégraphes et de chorégraphes contemporains européens.

Ces rencontres soulèvent plusieurs réflexions de fond

- Quelle est la part de l'influence extérieure et du collage superficiel ?

- Les artistes africains intègrent-ils vraiment la rencontre ou se plient-ils avec docilité aux exigences des concepteurs occidentaux ?

- S'approprient-ils vraiment le style et les techniques qu'ils découvrent ?

- Ont-ils les outils intellectuels et culturels nécessaires à la bonne compréhension des concepts ?

- Dans quelle mesure les artistes africains ne reproduisent-ils pas par mimétisme (et ceci pendant des années) des concepts dont l'essence leur échappe ?

- Quelle est leur marge réelle de liberté d'expression et de création face au diktat des concepteurs occidentaux ?

- Quelle est leur marge de man¦uvre réelle face à la production qui est le plus souvent entre les mains des occidentaux ?

- Jusqu'où peuvent-ils accepter les conditions du show-business et de la scène internationale et ont-ils les moyens artistiques, culturels et financiers pour discuter d'égal à égal avec ceux-ci ?

- Les artistes du Sud ne sont-ils pas encore plus fragiles que leurs collègues du Nord face au pouvoir de l'argent détenu par les producteurs ou les institutions ?

- Les artistes et les managers du Sud ont-ils bien tous les codes du grand marché international et que se passent-ils quand l'encadrement européen se retire ?

Une identité africaine et culturelle très forte

Les deux genres affirment pourtant une identité africaine et culturelle très forte. Ce sont seulement les chemins qui changent. Dans l'esprit et au-delà des effets de mode, les deux démarches sont proches . Bien davantage que du ballet afro-jazz ou afro-moderne qui tend à imiter d'autres techniques et
d'autres conceptions sans en en connaître parfaitement les arcanes et sans les resituer dans leur contexte historique et culturel. Il en est de même pour le ballet néo-traditionnel le plus souvent totalement inféodé aux critères réducteurs et assimilationnistes du grand "show-business"
international.

Wofa ! dans tout cela?

Wofa ! a sa propre identité artistique, sa propre esthétique, sa propre personnalité. Il est par le fait inclassable.

- Ce n'est pas un ballet traditionnel, au sens patrimoine du terme mais sa matière est issu de la tradition.

- Ce n'est pas un ballet moderne ou contemporain dans le sens où il s'inscrit dans une esthétique issue d'un genre déjà identifié.

- Ce n'est pas vraiment non plus, un ballet néo-traditionnel dans la mesure où il explore continuellement de nouveaux chemins de création et dans la mesure où il possède sa propre veine artistique.

Wofa ! a sa propre créativité, sa propre marge d'invention, son propre feeling qui n'appartient qu'à lui. Son propre univers, son propre mode de fonctionnement, ses techniques de création. Une approche personnelle des relations humaines au sein d'un collectif d'artistes guinéens et européens.
Les artistes travaillent dans une réelle sérénité et cela se ressent dans la régularité de leurs prestations scéniques. En effet, le spectacles de Wofa ! sont d'une étonnante constance car les artistes se connaissent bien et éprouvent un vrai plaisir à pratiquer leur art au sein du groupe.

Wofa ! connaît ses limites et préfère le choix d'une équipe solide qui gagne, solidement ancrée dans sa réalité culturelle guinéenne. Ceci ne l'empêche pas de réaliser ses propres recherches mais dans le contexte, dans le cadre qui est le sien. En clair, le groupe ne se prend pas pour ce qu'il
n'est pas, il "est" tout simplement, lui-même avec ses grandes qualités, ses petits défauts, ses propres limites inhérentes au genre et au contexte très particulier de l'origine sociale des artistes. C'est sa grande force de connaître ses limites et de laisser à d'autres, mieux armés intellectuellement, le soin d'explorer les délicats chemins de la nouveauté.

A l'heure où la plupart des ballets néo-traditionnels s'épuisent ou sont en perdition pour s'être trop enlisés sur le terrain de l'image caricaturale qu'ont les occidentaux de l'Afrique, pour avoir trop fait de concessions à leur identité première, pour s'être trop dilué dans la conception marxiste
de l'art au service de l'idéologie, pour n'avoir pas su échapper au carcan insidieux du néo-colonialisme culturel et du fait de l'arrivée sur le marché international d'une nouvelle esthétique africaine (Salia ni Seydou, Sikulu,etc...) ou de ballets néo-traditionnels plus jeunes, plus frais, plus efficaces (Yelemba), moins nombreux et donc moins coûteux, plus de dix ans après sa genèse Wofa ! est toujours là et n'a jamais été autant demandé à travers le monde, à tel point qu'il est aujourd'hui le groupe africain tous genres confondus qui tourne le plus sur la scène internationale.

François Kokelaere
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