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L'ensemble National des Percussions de Guinée

 
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 17 Jul 2001 22:01    Sujet du message: L'ensemble National des Percussions de Guinée Répondre en citant

Ally Sylla, Koungbanan Condé, Noumody Keïta, Fatouabou Camara, Lamine Sounam et Lancei Kanté.

Une véritable aventure humaine qui a regroupé sept des meilleurs batteurs de djembé d'Afrique de l'Ouest. De sacrés musiciens qui, pendant sept ans, construisirent à force de talent et de détermination un groupe d'une musicalité et d'une présence scénique exceptionnelles.

Pour mieux appréhender les Percussions de Guinée, il faut se resituer un instant dans le contexte historique. Sous l'ancien régime marxiste de Sékou Touré, la culture était considéré comme porteuse et révélatrice de l'identité nationale. Pouvoir et structures révolutionnaires obligent, la sélection commençait dans les villages et les quartiers. Les meilleurs éléments étaient recrutés et effectuaient un long stage préparatoire de formation dans les ballets nationaux qui regroupaient les artistes les plus performants du pays , toutes ethnies confondues. Puis, au sein des ballets, une émulation très forte permettait aux plus doués et aux plus motivés d'être titularisés. Mais chacun devait rester en permanence au sommet de son art sous peine d'être rapidement évincé et de perdre ainsi les avantages importants dont jouissaient les artistes «nationaux» de l'époque. A la disparition de Sékou Touré, en 1984, le système politique s'écroula et les artistes chéris de l'ancien régime se retrouvèrent marginalisés.

François Kokelaere, percussionniste français venu en Guinée pour se perfectionner, proposa à la Direction Nationale de la Culture de Guinée, un projet de création d'un ensemble national de percussions prestigieux qui regrouperait les meilleurs éléments des ballets nationaux et qui revaloriserait l'art sophistiqué de la percussion. La Culture guinéenne, en la présence de son directeur national, monsieur Baïlo Téliwel Diallo, soutint de toutes ses forces ce projet original, et la Coopération française, ravie que l'un de ses ressortissants coordonne un vrai projet artistique, finança. Ainsi naquit, fin 87, l'Ensemble National de Guinée.

Sous l'égide d'Italo Zambo, directeur des Ballets Africains, une quinzaine de batteurs furent auditionnés; seulement cinq furent retenus dans un premier temps, rejoints ensuite par deux autres, choisis pour leur talent et leurs facultés d'adaptation, car ce projet devait être «pilote» afin de servir de creuset pour générer de nouvelles expériences culturelles.

Un projet collectif puisant au plus profond de l'identité guinéenne

Les répétitions commencèrent avec d'énormes difficultés, que ceux qui ne connaissent pas l'Afrique, ses codes et ses habitudes, ne peuvent mesurer ni imaginer ! Les tensions ethniques, sociales, politiques et psychologiques ne cessaient de pertuber le travail. Chaque heure de répétition était gagnée sur des heures de palabres et de négociations. Ce projet bouleversait les habitudes des cadres et des artistes, il dérangeait même par son mode de fonctionnement; sans la détermination et la clairvoyance du Directeur National de la Culture, il n'aurait pas duré bien longtemps. Mais au fur et à mesure que le temps passait, des liens privilégiés se tissaient entre les différents intervenants. Les hommes, avec leurs multiples différences, leur sensibilité propre, commençaient à se connaître et à s'apprécier. Une relation simple de réelle confiance s'instaurait et les problèmes s'estompaient. Percussions de Guinée devint alors un véritable «laboratoire».
Un fonctionnement collégial s'imposa naturellement et chacun des membres y remplit une fonction précise avec son lot de responsabilités : matériel, costumes, contenu artistique, discipline, organisation des répétitions, administration, formation des jeunes, etc.

Afin de simplifier au maximum les relations et la communication, tout en responsabilisant les artistes, la Culture guinéenne donna un statut particulier au groupe : c'était un ensemble national dont les artistes étaient fonctionnaires d'état, mais qui disposait d'une grande autonomie de décision dans les domaines artistiques, techniques et administratifs. Une société privée indépendante gérait la production et les tournées du groupe, tout en reversant un pourcentage à un fond culturel géré par la Direction Nationale de la Culture, permettant à celle-ci de réinvestir sur d'autres projets culturels. Cette formule, extrémement souple, permit aux artistes de profiter pleinement du fruit de leur travail grâce à une politique de hauts salaires et d'être animés d'une grande motivation. Le succés fut si important que le groupe devint rapidement autonome. Non seulement il ne coûtait quasiment rien au gouvernement guinéen ( seule la maigre solde mensuelle de quatres artistes titulaires et de trois stagiaires ) mais, en plus, il lui rapportait un dividende et permettait à sept artistes de disposer de revenus annuels très conséquents.

Peut-être faut-il chercher dans cette clarté de la communication et dans la recherche d'une transparence permanente, la réussite soudaine de ce véritable projet collectif qui allait puiser au plus profond de l'identité guinéenne et, au-delà, africaine. C'était aussi une vrai rencontre basée sur la compétence et le respect de chacun dans l'acceptation de la différence, dans l'appréciation des codes spécifiques à chacune des cultures, au-delà des clivages politiques et raciaux.

Une aventure idéaliste qui contenait ses propres limites

Ce qui se dégageait des Percussions de Guinée sur scéne était incomparable, car comment comparer un groupe d'artistes qui avaient tous en commun d'avoir été formés pendant de longues années ( vingt-cinq ans pour les aînés ) à la dure école des ballets nationaux, qui jouaient et qui répétaient ensemble chaque jour, dans un groupe qui leur appartenait et dont ils assumaient la responsabilité ? Leur musique avait cette respiration rare, cet espace particulier, cette résonance, cette évidence, que seule la réunion de grands maîtres du tambour au sommet de leur art pouvait provoquer.

Et puis la roue du temps tourna, et le projet, devenu un référence internationale en la matière, s'enraya d'un coup car il contenait lui-même ses propres limites. La première raison fut la fragilité des artistes face aux manipulations cynique des hommes de pouvoir, la seconde, une certaine naïveté de ses fondateurs qui, entraînés par les succés et la reconnaissance unanime du groupe, oublièrent quelques réalités de base.

Les artistes, quasiment tous analphabètes de par leurs origines sociales très modestes, habitués à une direction dont la responsabilité de chacun était claire mais toujours imprégnés de tiraillements incessants de leur encadrement dans les ballets, se trouvèrent fragilisés et destabilisés par le décès impromptu de leur leader charismatique, Noumoudy Keïta. Dans le même temps s'opérait dans le pays un changement politique. Et ce qui devait arriver arriva : le groupe explosa et fut mis sur une voie de garage. Il restera de cette aventure, deux disques superbes et un souvenir indélébile pour ceux qui eurent la chance d'assister à un de leur spectacle.

"Batteur Magazine" Hors Série n°4 Juillet/Août 1998
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