Fran�ois Kokelaere


Inscrit le: 24 May 2002 Messages: 303 Localisation: France
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Post� le: 09 Jan 2002 19:29 Sujet du message: Note d'intention de la direction artistique pour Wofa ! |
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Le concept artistique de Wofa ! s'inscrit dans:
- l'histoire tr�s particuli�re du ballet guin�en initi�e par Fod�ba Ke�ta et ses ballets africains dans les ann�es cinquante
- son ancrage dans les diff�rentes traditions multi-ethniques de la Guin�e et en particulier de la Basse-C�te
- la r�alit� technique du "th��tre � l'italienne", de cette bo�te noire qui a ses r�gles et ses codes sp�cifiques
- le contexte du march� international
La probl�matique artistique n'est pas la forme que prend son discours mais bien son contenu et ce qu'il v�hicule. "L'artiste, le cr�ateur, le concepteur artistique, ont-ils quelque chose � dire". Telle est la question !
C'est pourquoi nous avons choisi, � travers le cadre �troit d'un spectacle catalogu� "tout public", accessible � tous et par le biais d'un propos minimaliste, de faire passer des sensations, douces ou fortes, simples ou complexes, intimes ou brillantes, qui parlent directement aux sens et au coeur. Pas d'effets faciles, pas de spectaculaire gratuit, pas de performance athl�tique inutile, pas d'auto-centrisme exacerb�. Une structure sc�nographique solide mais qui permet de grands espaces de libert� et des moments d'improvisation.
Une coh�rence du d�roulement du spectacle avec des pi�ces structur�es mais vivantes o� la cr�ativit� personnelle est toujours pr�sente, une dramaturgie sans th��tre et sans histoire, une succession de tableaux, parti-pris sc�nographique, qui s'imbriquent les uns dans les autres avec une �vidence qui permet au spectateur de ne jamais d�connecter du voyage, avec une certaine fa�on de g�rer les pulsations en mouvement ou le mouvement des pulsations qui attrapent son attention sans jamais la l�cher.
Wofa ! ne dit pas tout. Il sugg�re plut�t qu'il ne montre, il ne d�voile pas, il propose mais c'est au spectateur de faire le reste du chemin.
L'�motion ressentie lors d'un spectacle du groupe en condition sc�nique dans un th��tre, ne rel�ve pas de la sensiblerie mais bien de quelque chose de tr�s personnel qui appartient � chaque participant. Le spectateur devient une v�ritable caisse de r�sonance qui amplifie et renvoie les vibrations g�n�r�es par les artistes. Il suffit de "se laisser faire" et c'est le voyage assur� ! A chacun d'�crire son propre sc�nario, son propre r�ve en fonction de son imaginaire.
Il est important de rappeler ces quelques postulats de base afin de mieux situer le groupe dans sa r�alit� contextuelle.
Wofa ! est un groupe de percussions et de danse qui �volue dans un style que l'on pourrait d�finir de "n�o traditionnel", avec toutes les guillemets possibles, m�me si sa d�marche est bien diff�rente des groupes �tiquet�s sous ce label et qu'elle se positionne le plus souvent en rupture avec le genre, mais il ne faudrait pas pour autant commettre l'erreur d'opposer ce genre au ballet contemporain africain qui �merge depuis peu. Les deux s'inscrivent dans l'histoire de la danse en Afrique, des danses d'Afrique, des danses africaines et de leur mutation. Les clivages de genre et d'�tiquettes sont toujours faits au d�triment de l'histoire et ne servent qu'� �riger des syst�mes de valeur qui vont le plus souvent � l'encontre du travail des artistes.
La perception du public
En Afrique
Avec plus de cinquante ans d'existence, le ballet n�o-traditionnel adapt� � la sc�ne et � son rapport frontal avec le public dispose d'un r�el ancrage en Afrique. Sa popularit� n'est pas le fruit du hasard et correspond bien � une attente du public africain.
Il est trop t�t pour dire comment le public africain r�agira au ballet contemporain mais la p�riode de d�couverte et d'adaptation sera probablement tr�s courte car cette esth�tique nouvelle pour un public africain moyen trouve suffisamment son ancrage dans la gestuelle et l'imaginaire traditionnel pour devenir tr�s rapidement accessible.
En Occident
Il existe encore aujourd'hui une tr�s forte demande pour le ballet n�o-traditionnel en Occident qui n'est pas sans rapport avec le succ�s grandissant du tambour djemb�. Les probl�mes que connaissent les grands ballets sont dus essentiellement aux co�t de production �normes du fait du nombre d'artistes (entre 30 et 40) et � l'esth�tique surann� qu'ils v�hiculent qui correspondait � l'image de l'Afrique qu'avaient les occidentaux dans les ann�es 60-70.
Le ballet contemporain africain conna�t quant � lui, un �norme succ�s d�, d'une part, � la synth�se esth�tique africaine-europ�enne dans laquelle les occidentaux retrouvent parfaitement leurs codes de lecture et d'autre part, � la valeur artistique intrins�que r�elle du propos des chor�graphes
africains. Les deux genres, styles, courants, s'inscrivent dans une histoire clairement identifiable. Ils sont le r�sultat de rencontres, de mutations et de transformations.
Les probl�mes de limites intrins�ques des deux genres
- Le ballet n�o-traditionnel est n� en Afrique de la rencontre de danseurs africains devenus chor�graphes et de sc�nographes �trangers (ex-URSS, europ�ens, am�ricains)
- Le ballet contemporain africain est n� en Europe de la rencontre de danseurs africains devenus chor�graphes et de chor�graphes contemporains europ�ens.
Ces rencontres soul�vent plusieurs r�flexions de fond
- Quelle est la part de l'influence ext�rieure et du collage superficiel ?
- Les artistes africains int�grent-ils vraiment la rencontre ou se plient-ils avec docilit� aux exigences des concepteurs occidentaux ?
- S'approprient-ils vraiment le style et les techniques qu'ils d�couvrent ?
- Ont-ils les outils intellectuels et culturels n�cessaires � la bonne compr�hension des concepts ?
- Dans quelle mesure les artistes africains ne reproduisent-ils pas par mim�tisme (et ceci pendant des ann�es) des concepts dont l'essence leur �chappe ?
- Quelle est leur marge r�elle de libert� d'expression et de cr�ation face au diktat des concepteurs occidentaux ?
- Quelle est leur marge de man�uvre r�elle face � la production qui est le plus souvent entre les mains des occidentaux ?
- Jusqu'o� peuvent-ils accepter les conditions du show-business et de la sc�ne internationale et ont-ils les moyens artistiques, culturels et financiers pour discuter d'�gal � �gal avec ceux-ci ?
- Les artistes du Sud ne sont-ils pas encore plus fragiles que leurs coll�gues du Nord face au pouvoir de l'argent d�tenu par les producteurs ou les institutions ?
- Les artistes et les managers du Sud ont-ils bien tous les codes du grand march� international et que se passent-ils quand l'encadrement europ�en se retire ?
Une identit� africaine et culturelle tr�s forte
Les deux genres affirment pourtant une identit� africaine et culturelle tr�s forte. Ce sont seulement les chemins qui changent. Dans l'esprit et au-del� des effets de mode, les deux d�marches sont proches . Bien davantage que du ballet afro-jazz ou afro-moderne qui tend � imiter d'autres techniques et
d'autres conceptions sans en en conna�tre parfaitement les arcanes et sans les resituer dans leur contexte historique et culturel. Il en est de m�me pour le ballet n�o-traditionnel le plus souvent totalement inf�od� aux crit�res r�ducteurs et assimilationnistes du grand "show-business"
international.
Wofa ! dans tout cela?
Wofa ! a sa propre identit� artistique, sa propre esth�tique, sa propre personnalit�. Il est par le fait inclassable.
- Ce n'est pas un ballet traditionnel, au sens patrimoine du terme mais sa mati�re est issu de la tradition.
- Ce n'est pas un ballet moderne ou contemporain dans le sens o� il s'inscrit dans une esth�tique issue d'un genre d�j� identifi�.
- Ce n'est pas vraiment non plus, un ballet n�o-traditionnel dans la mesure o� il explore continuellement de nouveaux chemins de cr�ation et dans la mesure o� il poss�de sa propre veine artistique.
Wofa ! a sa propre cr�ativit�, sa propre marge d'invention, son propre feeling qui n'appartient qu'� lui. Son propre univers, son propre mode de fonctionnement, ses techniques de cr�ation. Une approche personnelle des relations humaines au sein d'un collectif d'artistes guin�ens et europ�ens.
Les artistes travaillent dans une r�elle s�r�nit� et cela se ressent dans la r�gularit� de leurs prestations sc�niques. En effet, le spectacles de Wofa ! sont d'une �tonnante constance car les artistes se connaissent bien et �prouvent un vrai plaisir � pratiquer leur art au sein du groupe.
Wofa ! conna�t ses limites et pr�f�re le choix d'une �quipe solide qui gagne, solidement ancr�e dans sa r�alit� culturelle guin�enne. Ceci ne l'emp�che pas de r�aliser ses propres recherches mais dans le contexte, dans le cadre qui est le sien. En clair, le groupe ne se prend pas pour ce qu'il
n'est pas, il "est" tout simplement, lui-m�me avec ses grandes qualit�s, ses petits d�fauts, ses propres limites inh�rentes au genre et au contexte tr�s particulier de l'origine sociale des artistes. C'est sa grande force de conna�tre ses limites et de laisser � d'autres, mieux arm�s intellectuellement, le soin d'explorer les d�licats chemins de la nouveaut�.
A l'heure o� la plupart des ballets n�o-traditionnels s'�puisent ou sont en perdition pour s'�tre trop enlis�s sur le terrain de l'image caricaturale qu'ont les occidentaux de l'Afrique, pour avoir trop fait de concessions � leur identit� premi�re, pour s'�tre trop dilu� dans la conception marxiste
de l'art au service de l'id�ologie, pour n'avoir pas su �chapper au carcan insidieux du n�o-colonialisme culturel et du fait de l'arriv�e sur le march� international d'une nouvelle esth�tique africaine (Salia ni Seydou, Sikulu,etc...) ou de ballets n�o-traditionnels plus jeunes, plus frais, plus efficaces (Yelemba), moins nombreux et donc moins co�teux, plus de dix ans apr�s sa gen�se Wofa ! est toujours l� et n'a jamais �t� autant demand� � travers le monde, � tel point qu'il est aujourd'hui le groupe africain tous genres confondus qui tourne le plus sur la sc�ne internationale.
Fran�ois Kokelaere |
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