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Le choc des Cultures...

 
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 15 Jul 2002 19:57    Sujet du message: Le choc des Cultures... Répondre en citant

De la difficulté du choc des Cultures entre Européen et Africain !

Le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui est une réflexion sur la difficulté de travailler dans un espace culturel différent de celui de ses origines. Tu parles d’une galère...

Il nous faut d’abord bien considérer comme postulat de base que la difficulté n’est jamais à sens unique donc qu’elle fonctionne dans les deux sens. Quand en plus de cela viennent s’ajouter les difficiles rapports qu’entretiennent européens et africains au regard de leur histoire, gens du Nord et gens du Sud, nantis et “en voie de développement”, lettré et illettré, intellectuel et analphabète, il ne faut alors pas s’étonner que les relations soient des plus compliquées.

Prenons l’exemple innocent d’un artiste africain qui doit être dirigé par un directeur artistique européen ou d’un directeur artistique européen qui doit diriger un artiste africain!

A la base, les deux parties n’accepteront de travailler ensemble que si, de prime abord, elles voient leur intérêt pécuniaire immédiat. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’elles seront aussi, peut-être, intéressées par un projet artistique. Probablement que, dans un troisième temps lointain, elles entretiendront des relations humaines relativement normale. Va savoir?

Les problèmes sérieux commencent quand l’européen demande à l’africain quelque chose qu’il n’arrive pas à jouer ou quand il se fait un plaisir de lui demander quelque chose qu’il sait pertinemment qu’il n’arrivera pas à jouer... Ah, ces européens, ils sont canailles... Très vite l’artiste se sent humilié, minimisé, surtout si la scène se passe devant ses copains ou ses parents, en sachant que plus il est originaire d’un milieu modeste et plus il sera tenté par une surenchère d’extraversion qui se concrétisera par son habillement ostentatoire et un comportement social quelque peu vindicatif. Plus l’européen insistera ou se fera un plaisir d’insister, et plus l’artiste africain se fermera à toute compréhension.
D’autant plus s’il s’agit d’un homme qui se sentira menacé dans sa plus profonde intégrité en cas d’échec ou pire, de moquerie. Les femmes et les danseuses en particulier, de part leur position dans la société traditionnelle, ont beaucoup moins de difficultés à accepter la critique ou l’erreur et s’adaptent beaucoup plus rapidement que leurs collègues masculins! La difficulté est d’autant plus grande que l’européen demande à l’artiste africain quelque chose qui n’est pas dans sa culture, ni dans son mode de fonctionnement. Dans le mode traditionnel, on reproduit avec une marge de créativité qui s’inscrit dans un cadre très strict. Dans le mode de création contemporain, tout est permis. D’un côté l’artiste contemporain ne comprend pas que le traditionnel ait tant de difficulté à bouger dans sa tête, d’un autre côté, le traditionnel ne comprend pas pourquoi le contemporain lui demande de bouger alors que sa culture est par définition immobile ou se transforme si lentement...

Confronté à l’épreuve de l’échec, l’artiste africain-homme n’acceptera pas de perdre la face. Il s’en suivra toujours d’interminables explications où il tentera de définir l’indéfinissable, c’est à dire, les causes de son échec. Il n’admettra jamais que tout simplement “il ne sait pas “ et qu’il doit accepter d’apprendre, de se remettre en question, d’aller vers d’autres modes de fonctionnement. D’autant plus que la transmission du savoir en musique traditionnelle ne se fait jamais de façon directe et frontale mais bien plus par la lenteur de l’immersion et de sa décantation. Il est d’autant plus frustré qu’il n’a pas les outils intellectuels pour appréhender les causes réelles de son échec. Il peut en développer une frustration tellement grande qu’elle peut conduire à des réactions d’une extrême violence, seule façon d’exprimer un profond désarroi, et à la rupture partielle ou totale selon son degré d’envenimement.

L’européen quant à lui, s’énerve vite. Il est pressé d’obtenir un résultat et comment expliquer à ses producteurs la lenteur de son travail? Sûr de sa vérité issue d’une culture “développée”, il assène des règles, des codes qui sont autant d’incompréhension supplémentaires. Plus l’européen s’énerve et plus l’africain se ferme. Inéluctablement, la tension monte et la situation de crise arrive.

Quand le dialogue est encore possible, chose non moins difficile, l’africain se réfugiera dans le fait qu’il a été insulté, il insinuera même qu’il a été battu (?), alors qu’il est un grand batteur. Il fera alors l’apologie de ses maîtres réels et irréels. Tous les détournements, les fausses pistes, les références à Dieu imparables, les proverbes qui ont tout ou rien à voir, seront bons pour ne pas perdre la face. Surtout ne pas perdre la face, quoiqu’il arrive face à un européen... L’européen quant à lui qui s’en fout de perdre la face, il la perd à longueur de journée, veut rationaliser à tout prix la situation, il veut comprendre, il veut expliquer, il se veut didactique et parfois même humaniste, idéaliste ... Catastrophe! Plus il explique et plus l’autre se ferme. Plus l’un est bloqué, plus l’autre se fait insupportable d’explications, de morale et de bonnes intentions. Choc des cultures, choc des mondes aussi semblables et aussi différents...

Une des solutions pour ne pas arriver à ce genre de situation est que l’européen et l’africain s’arment d’une énorme patience et d’une non moins extrême douceur. Il faut reprendre calmement la partie qui pose problème; dédramatiser et s’assurer que la partie à jouer est parfaitement identifiée et comprise. En cas de moquerie des charmants petits camarades, ne pas hésiter à leur crier dessus d’une façon collective mais surtout pas sur celui qui est fragilisé. Il faut au contraire le mettre en confiance afin qu’il surmonte sa peur de mal faire. Il est très important alors de s’assurer qu’il maîtrise parfaitement la proposition demandée avant de la lui faire jouer avec le reste du groupe. Quand à l’européen, s’il continue à s’énerver, indiquez-lui un bon psy, ça peut aider... car il est primordial de ne jamais montrer le moindre signe d’énervement devant le pauvre petit artiste africain, qui perd si vite ses moyens. S’il n’avait pas tant besoin d’argent pour nourrir son innombrable famille, vous croyez qu’il s’emmerderait à se faire engueuler toute la journée par les blancs?

Si malgré tous ces trésors de patience ils n’arrivent toujours pas à se maîtriser et à se comprendre, virez-les... Le monde est plein de directeurs artistiques européens calmes et de batteurs africains qui ne soient pas paranos...

Conakry, le 11/06/2002.

Mais qui est François Kokelaere ?

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Bangoura & Fatouabou
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k-nard (inactif)





MessagePosté le: 15 Jul 2002 23:06    Sujet du message: "choc des cultures" Répondre en citant

C'est avec beaucoup d'attention que j'ai lu ton article et je dois avouer que je suis sidéré !!!
Je ne comprend pas la démarche du directeur européen qui consiste a demander à l'artiste africain de réaliser quelque chose qu'il ne pourra pas faire, cela s'appelle "saper à la base" et cela ne peut engendrer que des conflits (à mon humble avis) et des entraves à la bonne marche des choses.
Je suppose que c'est une façon (trés mauvaise à mon goût) d'imposer une supériorité qui n'a lieu d'ètre que dans l'esprit "du dit directeur".

Comment peut-on devenir "directeur artistique" avec des méthodes pareilles ? Question

Il faut quand même ètre sacrément vicieux pour se servir de tes camarades pour te brimer !!!
je me demande si cette façon de faire (à dose répétées) ne risque pas de conduirent l'une et l'autre partie, à des comportements beaucoup plus radicaux ?!

C'est vraiment tout le contraire de l'idée que j'ai du travail en collaboration

En tout cas, merci à toi pour cette article.

salut à toutes et tous.
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 17 Jul 2002 17:33    Sujet du message: Répondre en citant

Monsieur K-Nard,

Un peu d'humour, de légèreté, de second degré. Ne prend pas tout à la lettre, lis entre les lignes. Si tu connais bien l'Afrique, mes propos doivent plutôt te faire sourire que t'énerver... On peut aussi rigoler de soi-même, c'est la meilleure thérapie pour ne pas se prendre au sérieux. Tu crois vraiment que mes petits copains guinéens me supporteraient depuis plus de quinze ans si ça se passait si mal que ça? Allons! Viens-nous voir répéter un jour à Conakry et tu seras très surpris de l'ambiance de travail à la fois très détendue et rigoureuse, de la complicité qu'il y a entre nous. Mais il y a une réalité africaine que tu ne peux approcher et voir que sur le très long terme et après de multiples expériences. Dirige une troupe internationale, fais la tourner dans le monde entier dans le grand circuit pendant des années, monte des spectacles nouveaux à chaque fois et tu verras que c'est une chose incroyablement difficile à réaliser.

Quand au djembé, bien sûr qu'il te rendra ce que tu as semé mais surtout il chantera comme tu es. Dans un premier temps, tu te batteras avec lui, tu "tapperas" dessus puis, quand tu te seras bien esquinté les mains, le djembé est malin alors c'est lui qui te jouera et tu ne t'en apercevras même pas. Enfin, longtemps après, quand tu auras fait la paix avec lui et avec toi-même, vous résonnerez ensemble. Il n'aura plus besoin de rendre, tu n'auras plus besoin de semer, vous serez "ensemble".

Cordialement

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k-nard (inactif)





MessagePosté le: 17 Jul 2002 19:16    Sujet du message: "lire entre les lignes" Répondre en citant

"OUF" ton message me rassure, il est vrai que j'ai facilement tendance à prendre à la lettre ce que je lis, cela dit je connais un peu l'Afrique (le Burkina surtout) et j'ai vu des attitudes d'Européens vis à vis des africains qui m'on plus que revolté. Mais je ne doute pas qu'il doit être ardu de gérer une troupe de renommée internationale et qu'il faille une certaine rigueur pour maintenir un tel niveau.
Apparemment ta méthode est excellente, il suffit de lire (sur ce même site) l'article écrit par les danseuses de la troupe pour s'en rendre compte. "Foté djeli" le griot blanc (quel honneur)

je croyais que cela existait que dans les films. Confused

Je salue ton travail, qui n'a pas du ètre facile tous les jours et ton parcours. Cela prouve bien qu'il ne faut pas ètre forcément d'AGEN pour savoir faire des pruneaux (c'est tout ce qui m'es venu sur le moment). Je te salue ainsi que toute la troupe "wofa" un petit + pour "Aboubacar Fatouabou Camara" mon idole, de part son style de jeu et de sa détermination pour la percussion Guinéenne.

Si j'en ai l'occasion un jour, je ne manquerai pas de venir vous voir.

Continuez de nous faire réver!!! Rolling Eyes

un passionné qui ne vit que pour, par et avec le noble tambour.
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k-nard (inactif)





MessagePosté le: 18 Jul 2002 0:55    Sujet du message: malentendu Répondre en citant

Pas une seconde, je n'ai pensé que tel pouvait être ton cas ! Embarassed
mes excuses les plus plates pour ne pas avoir su m'exprimer Confused
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 22 Jul 2002 11:17    Sujet du message: Comme quoi ça sert de communiquer... Répondre en citant

Comme quoi ça sert de communiquer mais ne te fait pas trop d'illusions, je suis encore plus terrible que ça...
Non, c'est pour rire mais ma position au sein du groupe m'oblige souvent à prendre mes responsabilités et ce n'est pas toujours très marrant mais quand il en va de la survie d'un groupe qui fait vivre des centaines de personnes en Guinée, quelquefois, il ne faut pas avoir d'états d'âmes et tracer. Ca ne se fait pas toujours sans problèmes! Faire le pont et le tampon entre les artistes africains d'un côté et le marché international de l'autre, c'est s'exposer en permanence aux tirs croisés des deux côtés car c'est aussi difficile pour les uns que pour les autres de se comprendre. Mais la loi du marché est là: ou le groupe est performant et il bosse ou il ne l'est pas et les partenaires bossent avec un autre groupe et tout ce joli monde se retrouve sans boulot. C'est une logique qu'il est très difficile d'appréhender tant que tu n'y as pas été confrontée. les mecs en face ne blaguent pas. Ils se foutent que le groupe soit africain, européen, américain ou martien ce qu'ils veulent c'est qu'il soit fiable et rapporte de l'argent. C'est terrible mais c'est la loi du marché. Si tu la refuses alors les artistes ne bossent pas. On ne fait pas tourner dix artistes dans le monde entier pendant des années sans une organisation très solide et une certaine rigueur dans le travail. C'est une autre histoire que de faire venir un copain djembé fola pour quelques stages et quelques concerts. Nos tournées sont programmées 1 an et demi à trois ans à l'avance. A titre d'exemple nous avons déjà rempli 2003. Eh ouais, ça ne blague pas du tout alors on a intérêt à être archi sûr des gens avec qui on travaille, africains ou pas.
Ceci explique un peu le pourquoi d'une obligation d'une certaine discipline dans le travail mais ça n'empêche pas de travailler dur dans la dentente et la bonne humeur, c'est ainsi qu'on obtient les meilleurs résultats. La preuve, Wofa est toujours là depuis tout ce temps et bien là et nous ne cessons de progresser. Le travail que nous faisons pour monter le nouveau spectacle qui doit être prêt pour la rentrée 2003 ne nous a jamais autant éclaté, c'est la preuve que nous ne nous lassons pas d'exercer notre art.

Bien cordialement.

Her director dictator!

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