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Zoumana Dembelé & Landya | Burkina Ka Di

 
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 08 Feb 2007 15:51    Sujet du message: Zoumana Dembelé & Landya | Burkina Ka Di Répondre en citant



[Burkina Ka Di | Zoumana Dembelé & Landya | CD Audio 2006 | Production Art'Evolution / Zoumana Dembelé]


On pourrait qualifier ce disque de « familial » avec tous les bons côtés de la « famille » mais aussi, avec ses limites…

Ses qualités, car la convivialité transpire de cet enregistrement, et le brio de Zoumana Dembélé l’éclaire de son talent immense. Mais la limite du devoir envers ses proches, ses amis, commence quand ils ne sont pas au niveau de leur leader et qu’il faut faire avec… Alors qu’est-ce qui est le plus important : l’enjeu artistique ou les enjeux familiaux et quotidiens ? Manifestement, les réalisateurs de ce disque ont opté pour la deuxième solution. Ca les regarde… c’est leur vie mais nous, ce sont nos oreilles ! Le projet qui a porté ce disque est bien sûr super, plein d’humanité, de rencontres sincères mais nous sommes ici pour parler du disque et de ce qu’il nous donne à entendre. Et là, ça se complique car tout est enchevêtré quand il s’agit de mener à bien une telle aventure artistique et humaine.




Ah, la famille, ses droits et ses devoirs ! Ah les amis, qu’est-ce qu’on ne ferait pas sans eux et d’ailleurs ferait-on un disque ? Pas de groupe, pas d’orchestre. Tout le problème est là ? Comment être sympa et savoir s’entourer ? Comment ménager les susceptibilités des uns et des autres, comment partager quelque peu un talent aussi brillant et envahissant que celui de Zoumana, comment vivre à l’ombre d’un tel musicien ? Jusqu’où peut aller un musicien leader africain face au poids des devoirs qu’il a naturellement envers ses proches qui l'accompagnent et ceux qui l’ont aidé à réaliser l’enregistrement qu’il attendait tant, par pure amitié… Et de l’autre côté, comment des européens qui doivent tant à leur maître, pourraient-ils lui suggérer de mettre en retrait tel ou tel musicien même si c’est un proche, d'orienter tel arrangement d'une certaine manière plutôt que d’une autre, de quel droit et sur quels critères, sur quelle base de compétence ? Est-ce que le musicien est prêt à se laisser guider sur les sentiers étroits et délicats de la direction artistique et peut-il être convaincu de sa nécessité ? Autant de questions sur la problématique musicale que l'on retrouve souvent dans les enregistrements de musiciens africains néo-traditionnels (mais pas seulement, c’est aussi le lot de tout artiste professionnel). -> Voir déjà pour mémoire : Réflexions à propos de la direction artistique et la gestion d’artistes africains et ce petit texte sur Wofa)

C'est ce qui donne à ce disque un côté très inégal. Il est constitué de moments précieux car Zoumana Dembélé est un djembé fola au son incomparable, aux phrasés généreux et inspirés mais les musiciens qui l’accompagnent peuvent être bien en dessous de ce que l'on est en droit d'attendre d'eux et du privilège qu'ils ont d'accompagner un tel leader.

La différence entre un disque abouti et un disque bricolé c’est quand on peut entendre une homogénéité tout au long des morceaux, une personnalité, un son, une couleur, une qualité, une ambiance, que l’on peut distinguer à n’importe quel moment du disque. Ce n’est pas le cas… On touche ici à l’exceptionnel et au fort banal. Dommage !

Zoumana est le pur produit d’une génération de batteurs burkinabés qui sont à la fois bien ancrés dans leurs traditions et pour cela, Bobo Dioulasso est un haut lieu de rencontres, véritable carrefour entre les différentes cultures mandingues ; mais il est aussi le fils spirituel des djembé fola modernes inspirés par les ballets néo-traditionnels d’une époque relativement récente.

Et c’est bien là tout le problème de la mutation moderne inexorable du djembé : comment prendre le meilleur des deux influences ?

    - d’un côté, la force et la vérité première des morceaux issus directement de la tradition - comment trouver l'essence des rythmes millénaires sans dénaturer l'énergie qu'ils développent, épurés au fil des siècles par des générations de musiciens reliés à leur histoire ?

    - de l’autre, la pertinence et l’ouverture des arrangements modernes, la parole musicale pure, lyrique, le phrasé musical enfin débarrassé de la contingence du marquage traditionnel des pas de danse.

Et comment trouver une cohérence artistique à ce mélange en respectant l’identité et la culture de chacun ?

Le disque

A l’écoute des différents morceaux

1_Burkina démicénou

Le premier morceau commence par une rythmique binaire avec une précision tranchante, expressive. Les riffs du début du morceau chantent à l'unisson, parlent comme un choeur mais le break qui suit, lui, est parfaitement anecdotique. Il ne dit rien, il est là pour faire percu moderne, pour faire « comme les autres », style ballet, mais ne sert à rien d'autre qu’à casser le rythme. Et voilà, on est en plein dans la fragilité de ce que j'évoquais tout à l'heure. La cohérence du propos musical et sa vérité. On touche au noeud gordien, au dilemme existentiel. A quoi servent les breaks dans la percussion africaine néo-traditionnelle ? Souvent à rien ou à pas grand-chose s’ils sont là pour faire beaux. Ils ont été inventés, il y a une quarantaine d'années afin que la musique des ballets modernes soit plus spectaculaire, extravertie et efficace pour un public européen. Ils n'ont rien de traditionnels et n'ont aucune fonction précise dans la rythmique, ils n'apportent rien s'ils sont scandés sans cohérence particulière, s’ils n’ont pas une fonction précise dans l’arrangement du morceau. Il n’y a là aucune nostalgie surannée et traditionnelle car toute culture est le fruit, le résultat d’un mouvement perpétuel et en mutation permanente au fur et à mesure qu’elle est confrontée à d’autres cultures. Les percussions mandingues, dans leur extraordinaire diversité, sont toujours le résultat des migrations et des rencontres des peuples. Comme toutes les autres musiques d’ailleurs. -> Lire l’article Pourquoi tant de breaks à ce sujet.

Mais revenons à notre disque…

Puis vient une voix d'homme, voilée (sûrement Zoumana ?), soutenue par le choeur de la "famille". C'est un peu lourd, un peu poussif jusqu'au break. Ensuite les choses sérieuses commencent avec un solo très inspiré et brillant de « Monsieur » Zoumana.

Les choses se compliquent avec le deuxième solo qui est parfaitement insignifiant, digne d'un débutant qui n'a rien a dire. Désolé pour celui qui joue... mais pour passer après le maître, il faut oser et ne pas avoir peur de l'abime qui vous sépare... avec la caricature des fins de phrases qui s'écroulent en fla! Puis Zoumana reprend les choses en mains (c'est le cas de le dire) et là, ça vole dans tous les sens, ça parle grave...
Quelle idée d'avoir fait prendre un solo à ce deuxième soliste ? C’est pas sympa pour lui les gars, pas du tout. Il n’est pas mûr… Vous ne l’avez pas aidé ! C’était aussi votre rôle d’éviter ce genre d’erreur qui font du mal au musicien en le dévalorisant (et ne me faites pas le couplet du «oh, tu es dur, ce qu’il joue est quand même intéressant… », non, pas du tout et vous le savez bien) et qui plombe le disque.
Tiens, voilà du roulement et c’est la conclusion du morceau par un petit break des familles. M'mouais, suis pas convaincu...

2_Allah Bina Anwassa

Rythmique binaire lente avec un hochet qui phrase en complément d'un karignan à l’envers pour donner un groove incomparable. Deux voix de femmes magnifiques, bien "éraillées" dans la pure tradition des griottes mandingues, qui se répondent avec le djembé qui ponctue le chant. Les soli de djembé, ou plutôt les chauffés, sont très sobres, tout en retenue, super. Là d'accord c'est du lourd, du tout simple, du magnifique.

3_Béki Gnana Gué

Balafon ternaire, bien Burkinabé avec un beau solo dans le chauffé puis un break tout en finesse. Chant d'homme et choeur familial un peu approximatif mais tellement sympa. Ca tourne grave et le balafon sonne bien atonal comme il se doit. Un solo de djembé du second soliste qui n'a toujours pas grand chose à dire. Le break de fin est un peu "derrière" mais bon, dommage ça méritait une fin plus à propos.

4_Anga Bé

Intro de flûte qui ne nous emmène pas bien loin, elle aurait pu être un peu plus développée, on se demande ce qu'elle fait là comme ça. C'est quand même un peu de la caricature... S'en suit un roulement qui lui aussi ne veut pas dire grand chose dans le genre mélo !

Suit une voix de femme accompagnée par un riff de tambours à l'unisson sur une rythmique binaire, c'est pas mal, ça respire bien. Voilà à nouveau la flûte, ici elle déroule et commence à trouver sa place. Aïe, aïe, tout s'écroule dans un roulement pour repartir de plus belle dans une rythmique rapide. Aïe, c'est le second soliste qui ouvre le bal et nous assène les mêmes phrases et autres clichés que tout à l'heure. Aïe, aïe, vivement Zoumana ! Zoumana où es-tu, que fais-tu ? Y es-tu ? Tiens on dirait un autre soliste. C'est pas terrible, pas inspiré, très convenu, ça pousse pas. Enfin le rythme tombe, s'écroule devrait-on dire car il ne pouvait pas en être autrement de toutes façons. Désolé les gars...

5_Oti - Toro Gnouman Fo Kaban

Un peu dans l'esprit du morceau 2.
On retiendra le phrasé de Zoumana, toujours aussi pertinent en contrepoint, en complément du chant des femmes sans jamais les gêner, avec un superbe chauffé sur la fin.

6_Burkina Ka Di

Première partie rythmique binaire un peu genre Koukou, joli solo au début de Zoumana qui pousse, qui veut en découdre puis des breaks marrants mais attention au bavardage inutile et à la virtuosité gratuite, aux plans qui défilent. La technique doit être au service du discours musical et ne pas être utilisée comme une démonstration de force, d'affirmation d'un savoir faire. Quand on a la qualité de jeu de Zoumana, il suffirait simplement de parler, de chanter avec son djembé. Les fioritures sont inutiles, la simplicité est l'apanage des plus grands.

7_Allah Nitira

Belle intro de djembé mais trop de breaks à mon goût. Puis une belle rythmique avec un balafon en déluge de notes, un arrangement intéressant et le djembé de Zoumana brillant et qui se lâche sur l'accelerando. Par contre le blocage aurait pu être plus soigné lui aussi, il tombe un peu patatras… mais bon, c’est souvent comme ça quand on accompagne la danse mais là c’est un disque, les gars !

8_Nésécaria Ni Djougougné

Ternaire qui groove, voix de femmes superbes, rythmique traditionnelle, le phrasé de djembé est si juste et les relances de hochet ! Ah, Zoumana quand tu nous tiens... Ce morceau est vraiment une petite perle. Le djembé, c'est d'abord ça, une voix, un son, un instrument qui parle, qui crée des espaces quand il a quelque chose à dire. Alors pourquoi s'embêter avec le bavardage inutile et les phrases jouées à toute allure ?

9_Marakadon

Rythmique ternaire qui respire, grâce aussi à une solide rythmique de dunun. Ecoutez bien comment Zoumana "tire" les notes et leur donne ainsi une largeur, une épaisseur, un relief, une vie. Et, hélas, écoutez le second soliste qui assène ses notes dans la plus parfaite platitude, dans la lourdeur de celui qui joue avec le maître mais qui n'a jamais compris ce qu'il joue. Vous voyez, ce n’est pas si simple le djembé. Vous pouvez rester des années à côté d'un grand maître et n'avoir pourtant rien compris. C'est terrible mais c'est ainsi. Pourquoi ? Il y a tellement de paramètres qui peuvent justifier cet état de fait. La grâce ne s'invente pas, les Malinkés appellent ça le "sabou", la destinée. Allez savoir ! Alors est-ce à l’apprenti de connaître sa juste place du moment et d’avoir la modestie de laisser parler le maître, ou au maître d’avoir l’intransigeance de faire taire l’apprenti qui n’est pas encore éclos ? Long débat !

10_Djembé solo

Zoumana tout seul, enfin... On oublie tout ce qui a été dit et on écoute. Ca c'est du djembé... Là, d'accord !

Il faut aussi souligner la qualité de la prise de son, intelligente, bien équilibrée, naturelle mais précise tout en respectant la matière sonore et c'est très dur d'enregistrer un ensemble de percussions. Félicitations au technicien son qui a su choisir les bons partis pris sonores.

Et puis félicitations aussi à la poignée de passionnés qui a œuvré dur afin de réaliser un tel projet de façon « bénévole » comme se prêtent à le dire les porteurs du projet. Au-delà de la sincérité et de l’honnêteté évidentes qui les animent, vous savez combien je suis circonspect par rapport à cette notion de bénévolat que j’ai toujours trouvée très « gênante » et particulièrement concernant ce qui touche à l’Afrique. Trente ans que j’entends parler de djembé et de bénévoles… Les enjeux ne sont pas toujours financiers, ils peuvent être aussi humains ou s’intégrer dans un projet de vie personnelle en fonction des liens que l’on a pu tisser avec ce continent. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas gagné d’argent, et même qu’on en a sûrement perdu, qu’on s’est investi à 100%, qu’on l’a fait de manière totalement « bénévole ». Désolé mais ce concept de bénévolat est très ambigu. On a de toutes façons « capitalisé » en terme d’expérience, de connaissance, de voyage, de rencontres, d’ouverture à l’autre, de projet de vie et de construction personnelle, on a accumulé une matière musicale pour ses futurs ateliers de percussion, etc.

Le bénévolat et son dilettantisme peut aussi desservir l’artiste et le présenter sous un jour peu ou moins valorisant (ce n’est pas le cas pour ce disque car Zoumana a un tel talent qu’il aurait éclairé n’importe quel enregistrement de sa présence, enfin…). La notion de bénévolat permet de minimiser la critique car elle s’oppose à la notion de « professionnalisme » dont les enjeux sont sensés n’être que financiers. Comme si on voulait se protéger en disant : « attention, on n’est pas des pros, on n’a pas fait ça pour de l’argent, juste pour aider un copain… ».

Ce n’est pas si simple car pour exemple, ce disque vaut bien des disques « non bénévoles » disponibles sur le marché et les passionnés bénévoles qui l’ont réalisé ne s’en sont ni plus, ni moins bien sortis que d’autres et plutôt mieux.

Mais il faut être encore et toujours plus clair avec l’Afrique, vous le savez bien, énoncer et assumer parfaitement la relation complexe qu’on entretient avec elle, comme il n’y a aucune honte à gagner de l’argent en travaillant avec des africains (comme avec d’autres…) si ceux-ci s’y retrouvent. Très souvent les relations commerciales, vécues dans le respect des uns et des autres, sont bien plus saines que les relations affectives embrumées de non-dits et d’intérêts personnels dissimulés. -> Lire le texte fort désagréable sur A.Cellier, mais qui a le mérite de donner un autre éclairage à ce sujet)

Les réserves « familiales » que j’ai pu porter dans mon analyse touchent au problème de fond de la relation qu’entretiennent les musiciens contemporains africains avec la tradition (mais aussi avec l’Occident), avec leurs traditions, plus qu’à ce projet spécifique. -> Voir Le Chemin du djembé et autres textes déjà écrits à ce sujet.

Ce disque, ce projet, a pour mérite d’exister et quelque chose me dit que les personnes qui l’ont porté en connaissent sa limite. Il permet aussi a ce formidable musicien, Ousmane Zoumana Dembélé, qui est promis à un grand avenir, de se faire connaitre et de se positionner parmi les plus grands sur un marché donné (participation au Master of percussions), ce qui déjà, est un formidable résultat.

Et puis il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne progressent pas, alors…

Allez, pour vous détendre, pour tous ceux qui connaissent l’Afrique, relisez cet article sur Wofa rien que pour le plaisir de sourire. Il y a des trésors dans les archives de Percussions.org, il vous suffit pour cela de taper un mot dans le moteur de recherche situé en haut à droit de la page et de prendre le temps de fouiller un peu.

© François Kokelaere - Février 2007.


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C.DricK
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MessagePosté le: 02 Mar 2007 17:15    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

Tout d'abord un grand merci à toi, Francois, de ton intérêt à l'égard de ce CD, dont découle cette analyse très fine. Merci aussi et encore pour nous avoir demandé notre accord pour publier ce texte.

On me dit qu'il est ultra négatif, alors faisons une petite synthèse. Zoumana est génial, les chants très bien et la prise de son super. Vraiment t'es trop dur !!
Bon Ok, le second soliste s'en prend plein la gueule...

Bref...je ne vais pas, ici, faire une critique de la critique, mais simplement éclaircir certains points qui je pense le méritent.


1. Pourquoi nous, producteur, n'avons pas travaillé sur la direction artistique ?


Il faut se remettre dans le contexte.

Lorsque Thierry est parti en Afrique en 2000, il y est parti en tant que professionnel et passionné par le son. Seul avec son sac à dos, son DAT, son micro, sa perche, sa b... et son couteau. Son projet était de faire une recherche sur le son, pas d'enregistrer un album, ni d'écrire un film en allant à Taoudeni en chameaux. Il a pourtant bien fait les trois.

Avant de partir, il n'avait jamais entendu parler de Zoumana, n'était jamais aller à Bobo-Dioulasso.

Passionné par le rythme, par les rythmes, car batteur de formation, il décide de faire un crochet par Bobo avant de retrouver Paris après 6 mois passé à traverser la Mali, le Burkina, le Niger....

Imagines le choc, l'émotion qu'il a pu ressentir lorsque qu'il a vu jouer Zoumana et sa "famille".

Zoumana, lui, 25 ans à l'époque des faits, était déja considéré comme un maitre (en tout cas il avait déja bcp d'apprentis africain et européen) et surtout comme le chef de famille en raison du décès récent du paternel Sambo Dembélé.

Cet homme respecté de tous demande donc à Thierry d'enregistrer son album, ce qu'il accepte tout de suite.

Jamais, Thierry n'aurait l'idée saugrenue de participer à la direction artistique de cet album. Il n'en avait simplement pas les compétences. Ses références en matière de percussions mandingues se résumaient à l'époque à un CD de Doudou N'daye.

Cet album est le bébé de Zoumana, et c'est lui le chef de la troupe Landaya, c'est lui qui a fait le casting, le choix des morceaux, le choix des musiciens sur chaque morceaux, les arrangements...

La prise de son, par contre, est le travail de Thierry. C'est lui qui a décidé du placement des musiciens, des lieux et du placement du micro. Il a aussi réalisé la mastering à Paris.

La post-prod a quant à elle été faite par l'association. C'est la que nous avons réalisé la pochette, les textes, l'ordre des morceaux, le pressage, l'administratif...chaque décision a été validée par Zoumana.

Voila, nos compétences nous ont permis d'accompagner Zoumana dans son projet et d'arriver à ce résultat, et nous en sommes très fier.
Notre but sur ce projet et dans bien d'autres, c'est d'être un relais, un support aux artistes pour qu'ils réalisent leurs projets.

Comme tu le sais, il joue avec une formation jazz issue d'un casting et dirigée par Pierre Vaiana ; il n'a donc aucun problème à se plier à la direction artistique d'un européen. D'ailleurs une petite question au passage, pourquoi faudrait il qu'il soit européen ?

2. L'album familial

Cet album est très familial, car Zoumana l'a voulu ainsi.

C'est l'album de SON groupe, de SA famille, les gars avec qui il jouait depuis 10-15 ans, dans lequelle il nous laisse entendre SA musique.

La formation n'est peut être pas aussi "tapes à l'oeil" ou "tapes aux oreilles" mais à ce moment là, c'est ce qu'il avait envie de dire aux gens à travers sa musique.

Zoumana joue de temps en temps dans des formations "casting" avec les Frères & neveux Coulibaly, Arouna et Fato Dembélé, Baba Cissoko... Ca déchire, c'est clair, ce sont tous des cracks mais ce n'est pas SA musique.

Il a choisi quelqu'un pour l'accompagner qui selon toi n 'avait pas le niveau. Ce sont tes connaissances et ton expérience qui te permettent de dire cela. Jamais personne ne nous avait dis ca avant, et pour ma part ce mec là est dix mille lieues au dessus de moi. Je ne me permets donc pas de juger sa valeur. Je me suis bien rendu compte que c'était moins inspiré que Zoumana, mais en tant que petit joueur de djembé, je trouve que ces phrases sont plus faciles à (imaginer) reproduire que celles de Zoumana donc tout aussi interessantes (au moins au début). La clarté et la finesse de son jeu sont peut être aussi desservie par le djembé. La preuve, quand Zoumana prend le même type de djembé, tu ne le reconnais pas.


3. Le bénévolat et l'Afrique


Je suis absolument d'accord pour dire que jamais rien n'est gratuit, il y a toujours quelques choses à prendre. L'abbé Pierre nourrisait sa foi. Toi, tu fais ta promo grâce à ce texte écrit bénévolement. Et moi, sur ce CD, j'ai tellement gagné que je ne peux même pas en faire la liste.

Je te rejoins tout à fait lorsque tu dis qu'il faut être très clair lorsqu'on parle de business avec l'Afrique. Il faut de toute facon, et plus généralement, être très clair à partir du moment où il y a de l'argent et de l'amitié ou de la famille.

Pour moi, lorsque l'on dit bénévolat, ca signifie tout d'abord que l'on ne gagne pas d'argent personnellement.
Je pense que l'on peut communiquer la dessus, car si on ne prend pas d'argent, nous, bénévoles, celui ci est quand même bien gagné et répartit essentiellement entre les artistes.
J'ai des exemples de professionnels qui sont partis enregistrer un album, qui ont donné 50 000 CFA au groupe. Rentrés en France ils se mettent à la SACEM, se prennent les droits d'auteur, font distribuer le CD a la fnac et se prennent les royalties. C'est hyper facile de faire ca, qui va t'attaquer ?

Loin de nous l'idée de se cacher derrière le bénévolat. Lorsque l'on dit "je suis bénévole" on oppose pas ca à la compétence. Tous les projets auquels nous avons travaillé ont toujours été traité avec le plus grand professionnalisme.
Et de toute facon, la chose qui nous intéresse ici, c'est le CD, la musique: il est évident que Zoumana et Landaya n'est pas un groupe amateur ni bénévole et ce n'était pas non plus le premier enregistrement de Thierry, qui est un ingénieur du son professionnel.

Dire haut et fort que c'est un projet bénévole nous sert aussi à essayer de mobiliser les gens qui s'embête chez eux et qui voudraient s'investir dans quelque chose. On le fait bien, pourquoi pas d'autres ? Tout le monde n'a pas forcément envie de passer 6mois, 1 an, 10 ans à l'autre bout du monde, ni de s'engager à fond dans un projet. Chacun ses priorités. Par contre je suis sur que certains sont près à donner un peu de temps pour un projet qui leur plait. Encore faut il qu'ils en connaissent l'existence.

Voila, de notre coté, nous sommes très clair avec Zoumana, droits dans nos pompes et encore une fois toujours ouverts pour accepter les coups de main.

Et ca marche ! Pour l'organisation de la première tournée du groupe (le deuxième soliste ne sera malheureusement pas là pour te, pour nous, montrer ses progrès), un réseau de bénévoles de Montpellier à Nantes en passant par Helsinki et Bruxelles nous aide à mener à bien ce projet.

Tu me diras, pourquoi ne pas gagner d'argent avec ca ? Personnellement, je n'ai pas envie de gagner de l'argent avec ce qui touche à mes passions. Je n'ai pas envie d'en dépendre, je les aime trop pour voir la flamme s'éteindre. Aujourd'hui, j'ai une petite famille, des amis, un emploi, une asso, et voila, basta. Pour certain le bonheur est dans le pré, le mien est là.

C'est la dessus que je vais m'arreter, je fais un coucou à mon Thierry qui est en ce moment à Bobo et à Magali qui est au Brésil et qui vont découvrir cette réponse en même temps que tout le monde.

Merci encore à toi Francois d'avoir parlé de Zoumana avec tant de considération, et plus globalement pour tous ces compliments. Ce n'est ni lisse ni entendu. C'est ca qui est bon !!

J'allais oublier, nous avons mis en ligne un myspace pour Zoumana avec pleins de morceaux de l'album. L'adresse est dans ma signature.
Bisous

A+

PS : Une petite pensée pour la Côte d'Ivoire et pour la Guinée afin que tout revienne dans l'ordre. Une autre pour tous les autres qui souffrent et aimerais bien être à notre place, à discuter musique.

Restez unis !

Rythmiquement !

C.drick
Art Evolution, association loi de 1901, producteur de l'album "Burkina Ka di" de Zoumana dembélé.
Pour en savoir plus :
Le Myspace de Zoumana avec des morceaux en écoute !


Dernière édition par C.DricK le 11 Mar 2007 1:07, édité 1 fois en tout
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 03 Mar 2007 12:10    Sujet du message: Répondre en citant

Super… Ton commentaire aux observations que j’ai pu faire sur votre projet sont pleines d’intelligence et de clairvoyance et montrent bien combien vous êtes passionnés et dans une relation claire avec la culture africaine, que manifestement vous connaissez aussi très bien. Là où n’importe quel européen serait parti dans une parano ordinaire et agressive, tu exposes simplement et très clairement les enjeux de ce projet et tu retires, les aspects positifs de mes observations et relativises les moins positives. Chapeau bas et respect total car il faut être sacrément centré et « droit dans ses bottes » (j’adore cette expression) pour réagir de la sorte.
Ce qui me ravit encore plus, c’est que vous ayez accepté que je mette en ligne ce texte car comme tu l’as très honnêtement souligné, je vous avais demandé si vous préféreriez que j’en fasse l’impasse afin de ne pas vous incommoder avec des commentaires qui pourraient être interprétés autrement que vous l’avez fait…
Votre « tranquillité », votre « détente » par rapport à ce projet, force le respect car on sent à te lire que vous n’êtes pas dans une relation « naïve » et caricaturale avec l’Afrique mais bien dans un respect mutuel et éclairé, ce qui est si rare.
Ceci n’empêche pas de progresser encore dans la réflexion artistique.
De toutes façons, avec des amis tels que vous, Monsieur Zoumana est entre de bonnes mains.

En aparté, tu fais allusion au travail de Zoumana avec Pierre Vaïana. J’ai eu l’occasion de le voir à Bruxelles et c’était vraiment génial. Musicalement et artistiquement ce qui se dégageait de cette rencontre était phénoménal. Pierre est un formidable musicien qui sait s’entourer et faire jouer ensemble des gens très différents.
Il apparaît aussi dans le documentaire qu’a fait Laurent Chevallier à propos de Momo Wandel « Momo le doyen » alors qu’il avait invité le saxophoniste guinéen à jouer avec lui.

Et tu as parfaitement raison de souligner que, pendant que nous papotons, des millions de personnes en Afrique crèvent de faim, n'ont pas accès à des soins médicaux minimum et à la moindre éducation pour leurs enfants et qu'ils sont gouvernés par des personnes peu scrupuleuses qui n'ont pour seul problème que de s'enrichir au détriment du peuple. C'est bon de ne pas l'oublier et de relativiser quelque peu nos considérations "artistiques" et c'est aussi pourquoi nos "amis" africains méritent l'excellence quand ils pratiquent leur art afin que la rencontre soit encore plus forte et plus déterminante.

Bonne continuation et longue vie à votre projet et à votre amitié avec ce fantastique musicien qu'est Zoumana Dembélé.

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