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Jimmy Braun · Inscrit le: 12 May 2002 Messages: 2126 Localisation: France

[« Planodies Khores – Terres Vagabondes » Erotokritos. 2004 | DC Audio Digipack | Label Arion ARN64651 | Durée totale : 62’38]

Heureux qui, comme Erotokritos

Marquée d’une poésie légère, la musique de « Planodies Khores – Terres Vagabondes » - le nouvel album du trio Erotokritos - invite à des aspirations marines. Munie d’une gaieté incandescente, les chants sont basés sur des textes homériques ou de dévotion, pour une aventure musicale insulaire dans le bassin crétois. Erotokritos nous dévoile un subtil mélange de l’expression crétoise d’aujourd’hui – une île grecque à l’histoire mouvementée qui nous dévoile quelques-uns de ses trublions.

« La musique souvent me prend comme une mer » (Baudelaire)

Le temps de mouillage pour l’écoute de « Planodies Khores » ne demande que peu de temps pour avoir envie de danser. Composé de seize opus dédiés aux musiques et danses, l’album revisite un répertoire – presque voué à disparaître si ce genre d’initiative ne connaît pas d’effervescence – d’une région libérée de la souveraineté ottomane en 1913. Kriti, comme on la nomme en grec, est une île ayant subit les aléas de l’histoire avec des dominations diverses entre les Mycéniens, les Doriens, les Romains, les Vénitiens ou les Turcs. Nourri et influencé par cette histoire, le groupe Erotokritos tire son nom d'une oeuvre crétoise majeure : l'Erotokritos est une odyssée épique et mythique écrite par Vincenzo Kornaros pendant la période de la Renaissance crétoise. Trio formé par les deux crétois Harila Papadakis, Nikos Mastorakis, et le français Jean- Philippe Chassagne, le groupe invite Pascal Charroin, Yorgos Stavakakis et Eric Montbel. Projet crée à l’initiative de son percussionniste, Jean-Philippe Chassagne, le recueil d’Erotokritos met le cap sur des danses savoureuses qui évoquent toutes la mer ou l’amour. A bord du premier titre, Thalassakimou, qui veut dire littéralement « Mer, ma chérie », on tisse déjà la toile de fond qui respire l’air marin. Le son est bon, les mélodies sont éthérées, et l’entente musicale du combo est remarquable. On découvre un monde qui se fait trop rare sur les ondes hertziennes, avec des instruments comme la lyre crétoise, la gaïda (cornemuse), le laouto (luth) ou le boulgari (sorte de saz).

Du côté des percussions, Jean-Philippe Chassagne apporte un véritable soutien en étant le metteur en scène d’une charpente rythmique intimiste et festive à la fois. Bien qu’au cours du 20ème siècle, dans cette musique, les percussions ont été peu à peu substituées par un deuxième luthiste, avec une fonction plus rythmique que mélodique.

Les musiciens grecs sont peu à peu en train de réintroduire la percussion dans le répertoire, avec l'instrument de base qui est le « daouli », un tambour membranophone à double peau que l'on retrouve en Macédoine, en Arménie ou dans les Balkans (sous d’autres dénominations). Frappé avec une baguette de large diamètre et une autre plus fine - ce tambour est porté autour du cou, les deux peaux sont verticales, mais l'on peut aussi le jouer avec les doigts. Le percussionniste du groupe, qui est initialement batteur de jazz, apporte également un coté ottoman avec l’utilisation d’une derbouka (nommée ici, tuberleki) et aussi un côté sarrasin avec une sorte de bendir, appelé ici « défi ».

A la fois séduisante et effrayante, la mer a toujours exercé sur les hommes une étrange fascination. Erotokritos entretiendra sans nul doute ce mythe.

© Jimmy Braun – Décembre 2004